Laure Saint-Raymond

Laure Saint-Raymond, née en 1975, est professeure des universités à l’École normale supérieure de Lyon et professeure à l'Institut des hautes études scientifiques depuis 2021. Elle est membre de l'Académie des sciences dans la section « sciences mécaniques et informatiques » depuis 2013. Elle a obtenu plusieurs prix prestigieux.

Quels sont les grands thèmes que vous explorez ?
J’ai deux sujets de prédilection, tous deux à l’interface entre les mathématiques et la physique. Mon but est de trouver des modèles aussi simples que possible qui prédisent correctement le comportement de différents systèmes complexes.
Le premier sujet est un problème de physique assez fondamental, posé par Hilbert au Congrès international des mathématiciens en 1900 : il s’agit de comprendre la cohérence entre les modèles de fluides où on décrit le mouvement de chaque atome, et les modèles hydrodynamiques qui sont utilisés par exemple pour calculer numériquement les écoulements d’air, ou d’eau.
Le deuxième sujet qui m’intéresse est de comprendre comment on peut encore simplifier ces modèles hydrodynamiques quand il y a un effet dominant soit de la rotation terrestre, soit de la stratification en densité, comme c’est le cas par exemple dans les océans ou l’atmosphère.

Qu’est-ce que vous avez envie de dire aux lycéennes et lycéens ?
Je crois que les élèves, et plus généralement les personnes qui ne sont pas des scientifiques, ont une idée fausse de ce que sont les mathématiques : quelque chose de très austère, voire ennuyeux, solitaire, répétitif, inutilement compliqué, inaccessible…
En fait, pour moi, c’est avant tout un jeu, un défi pour l’esprit humain qui demande de la curiosité et de la créativité. Qui dit jeu dit règles, donc effectivement il faut de la logique et de la rigueur.  Mais c’est normal d’essayer, de se tromper, c’est même bien car on apprend de ses erreurs.
Qui dit jeu dit le plus souvent collectif, et ce que je trouve vraiment fascinant quand on travaille avec des objets abstraits, c’est que chacun a sa propre représentation mentale et que le croisement de ces différentes représentations nous surprend, nous bouscule, nous fait progresser.
Qui dit jeu dit surtout plaisir : plaisir de comprendre et de trouver parfois de nouveaux théorèmes (mais c’est rare en fait !), plaisir de chercher, de pousser ses propres limites….

Voulez-vous nous parler un peu de votre travail de recherche ?
J’apprécie particulièrement de travailler en équipe. Une collaboration est une alchimie compliquée. Il ne suffit pas de réfléchir en même temps au même problème pour que le courant passe. Les chemins de la découverte sont parfois sinueux et chacun a sa propre intuition, sa propre façon d'avancer. Travailler ensemble suppose pour commencer d'être capables d'échanger de l'information alors même que les idées ne sont pas bien formalisées, qu'on ne sait pas bien exprimer ses intuitions.
Le fait de réaliser des ponts entre les différentes disciplines est également déterminant dans le processus de recherche et de découverte. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une science extrêmement complexe avec une très grande spécialisation des chercheurs. Croiser les regards ouvre d’immenses perspectives, et la possibilité de relever certains défis de notre monde, notamment autour des questions environnementales. J’ai eu la chance de diriger pendant 3 ans l’Institut des mathématiques de la planète Terre, et de voir émerger certaines de ces interfaces, en particulier avec les sciences sociales. C’est un vrai enjeu pour l’avenir et j’espère que des jeunes auront le courage de se lancer dans cette aventure.

Un petit mot de conclusion ?
Les maths et les sciences en général ne sont pas magiques : ce ne sont pas des recettes ou des formules à appliquer, mais des clés pour réfléchir et comprendre par soi-même, un chemin de liberté.